Héloïse Bossard et le Kirigami : le papier dans tous ses états
Attirée depuis toujours par le Japon et sa culture, la créatrice Héloïse Bossard se passionne pour l’art du découpage du papier, le kirigami. Une discipline ancestrale, à l’acceptation large et aux frontières floues. Rencontre.
Héloïse Bossard en pleine création. Crédit photo Sarah Annie photographe
Un voyage initiatique
Après une formation en architecture, Héloïse travaille en agence à Paris, où elle constate que l’utilisation de l’outil informatique se fait au détriment de la dimension créative et du contact avec la matière. La conception de maquette à base de papier ou de carton est remplacée par des logiciels d’architectures, et l’impulsion créative est initiée par le chef de l’agence. Il n’y a plus de réelle transformation de la matière. Héloïse décide de partir deux mois au Japon, pour parfaire sa maîtrise de la langue, un voyage qui durera finalement deux ans. Une véritable émulation dans l’apprentissage de la langue. La créatrice explore et se plonge dans la culture japonaise, dans le lien entre la nature et l’artisanat.
Une performance artistique héritée d’une tradition japonaise
Le kirigami – ou l’art de découper le papier – est une technique très ancienne dans la culture japonaise. Au départ, le kirigami était utilisé dans la fabrication des kimonos. On découpait des motifs dans du papier qu’on imbibait de jus de kaki avant de les appliquer sur les kimonos. On retrouve également des kirigamis en forme d’éclairs suspendus aux temples shintoïstes.
Le kirigami est difficilement définissable. Par exemple, les cartes pop-up peuvent être considérées comme une forme de kirigami.
Les artistes se sont peu à peu appropriés l’art du papier, transformant cette technique en un objet de décoration, notamment en Asie et dans la culture anglo-saxonne. « En France, c’est un peu différent, on est très beaux arts », nous dit Héloïse.
« Il est difficile pour certaines disciplines d’émerger quand elles ne sont pas directement affiliées aux beaux arts« .
« Aujourd’hui, l’art du découpage du papier est encore trop souvent regardé et appréhendé par le prisme de la culture japonaise, ou sinon, on tombe vite dans des performances monumentales en papier ».
L’art de découper le papier sous toutes ses formes
Voilà maintenant trois ans que l’artiste pratique le kirigami. Au départ, Héloïse travaillait le papier en superposant une multitude de couches de papier de différentes couleurs, pour former une composition en relief.
Au Détour du Papier – paysage d’automne
Au Détour du Papier – renoncules superposition
Avec les couches de papier superposées, le motif peut sembler creusé dans le papier (renoncules) ou apporter une forme de progression (paysage d’automne).
La volumétrie, le motif apparaît en 3D :
Au Détour du Papier – lotus 3D
L’idée de dentelle de papier lui est venue au fur et à mesure de sa maîtrise du maniement du papier et de son grammage.
« Le rendu de la dentelle de papier est souvent plus extraordinaire », s’enthousiaste Héloïse « et il y a une dimension plus méditative dans la création que dans celle de la superposition de couches de papier », ajoute-t-elle.
Cependant, la dentelle de papier implique de travailler sur des monochromes (avec une seule couleur). Parfois, la couleur peut manquer, et la créatrice imagine donc de développer une collection d’illustrations de superposition de couches de papier pour retrouver le plaisir de l’harmonie des couleurs, à travers différentes gammes de teintes.
Au Détour du Papier – renoncules superposition – détail
Une précision de chirurgien
La dentelle de papier exige beaucoup de minutie et de concentration, tel un chirurgien en pleine opération. Impossible pour l’artiste papier d’écouter un podcast ou une chanson française en pleine séance de découpage au scalpel. Si d’aventure il lui arrivait de déraper après avoir découpé et scalpé son papier pendant des heures, ce serait le désespoir.
Aujourd’hui, Héloïse sait quel grammage de papier convient le mieux en fonction du type de réalisation attendue et elle craint moins un dérapage fatidique.
Au détour du papier – Papillon Isabelle en papier découpé
La nature comme inspiration, le temps comme allié
Généralement c’est à partir d’un thème comme le cabinet de curiosité, que la créatrice va ensuite décliner, que naît son motif. S’inspirer du monde vivant, d’une photographie ou d’un document, pour ensuite transformer et créer, en utilisant toute la richesse qu’offre le papier en tant que matière, c’est tout le projet de Au Détour du Papier. Le temps est son meilleur allié. Indépendante, la créatrice peut aujourd’hui prendre le temps de gestation nécessaire à l’émergence de ses créations.
Le cyanotype, un procédé soumis aux rayonnements du soleil
Héloïse a découvert un peu par hasard cette technique qui lui permet une reproduction magique des dentelles de découpage. Il s’agit d’un procédé de photographie alternative, une technique assez ancienne inventée en 1852.
La dentelle de papier fonctionne comme un pochoir sur le support papier blanc. Celui-ci est enduit d’une émulsion. En séchant, le papier devient jaune, on pose la dentelle de papier et pourquoi pas des végétaux, le tout est exposé à la lumière du soleil. L’émulsion réagit, brûle et donne une teinte marron-vert au papier. On retire le pochoir et on rince la couleur qui passe du marron-vert au bleu de Prusse ou bleu cyan.
Au Détour du Papier – Cyanotype
Ne vous attendez pas à recevoir un cyanotype d’une autre couleur que le bleu !
Soumis à l’intensité de l’éclat du soleil, le cyanotype est une activité saisonnière. Héloïse les réalise d’avril à octobre.
« Ce que j’aime dans ce procédé, c’est qu’il y a toujours une part d’inconnu dans le résultat obtenu dû à la répartition de l’émulsion sur le support papier ou à l’épaisseur des végétaux. L’intensité de la brûlure est différente d’une création à l’autre« .
Héloïse Bossard – Au détour du Papier
Retrouvez l’univers d’Héloïse et ses créations sur la page Kreamondo qui lui est dédiée.
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