Studio Valentine KVL : Faites place à la couleur !
Des objets en résine acrylique à mi-chemin entre artisanat et design, aux couleurs saturées. Un style pop qui donne du peps ! Rencontre avec l’artiste plasticienne Valentine Chevillon, créatrice de Studio Valentine KVL.
Valentine, à quoi ressemble ton atelier ?
Je viens tout juste d’emménager dans mon nouvel atelier ! Il se trouve au milieu des champs dans la campagne bordelaise. En allant à mon atelier, je traverse des vignes, j’aperçois un champs de vaches. C’est un espace immense, un ancien préau de 100 m². Je vais avoir toute la place pour produire et créer.
Vue du nouvel atelier ©studiovalentinekvl
Quel changement ! Jusqu’ici mon atelier était installé dans ma terrasse d’hiver, et bien sûr il s’étalait à la chambre d’amis et à la cuisine, qui faisait office d’espace de stockage. Travailler et produire à la maison a impliqué beaucoup de concessions … J’y ai sacrifié une partie de mon confort domestique et de ma vie personnelle. La création et la production ne connaissent pas de limite et interviennent dans tous les interstices de ma vie personnelle.
J’ai connu une croissance très rapide que je n’avais pas anticipée, et je me suis fait un peu déborder. J’ai dû vite me réorganiser, commander des machines grâce à une opération de crowdfunding car je me suis lancée je suis partie de zéro, sans stock, sans réelle réserve financière. Je produisais uniquement à la commande.
Valentine Chevillon et ses créations en cours ©studiovalentinekvl
Comment pourrais-tu décrire ou définir ton travail ?
C’est difficile de décrire mon travail et mon positionnement. Je suis partie de la sculpture et j’ai voulu démocratiser sa pratique. J’ai toujours eu une appétence pour l’espace intérieur. Je réalise moi-même mes moules, tirages et prototypes. Je me situe vraiment entre l’artisanat et le design. Formée aux Beaux-Arts, au départ je ne partageais pas vraiment la philosophie des designers. En tant que designer, on réfléchit davantage à la fonction de l’objet, à sa dimension fonctionnelle qu’au concept.
Les formes et les couleurs dans les espaces domestiques m’ont toujours fascinée. Il faut dire que je suis quelqu’un de très casanier. Pour moi, l’espace domestique est un espace rassurant, intime mais aussi un lieu de représentation.
Je suis vraiment dans la sculpture usuelle. Ma première création est la tête cache-pot. J’ai d’abord pensé à la tête puis j’ai voulu lui donner une fonction. Je ne voulais pas être dans le bibelot ou goodies, la dimension usuelle m’importe réellement.
La tête cache-pot ©studiovalentinekvl
Tu utilises beaucoup le terrazzo dans tes créations. Peux-tu nous raconter son procédé de fabrication ? Avec quel dosage ? Comment te fournis-tu en matériel ?
Le terrazzo se compose de fragments de pierres, marbre, ciment ou jesmonite (résine acrylique). Pour ma part, j’utilise de la résine acrylique non toxique dans les proportions suivantes : 2,5 de résine pour 1 de liquide. La résine pigmentée est étalée finement sur une plaque puis réduite en chips (copeaux de résine). Je trie ensuite ces chips en paquet par couleurs.
Chips de couleurs ©studiovalentinekvl
Je réalise mon fond de résine, je mets mes chips et je coule le tout dans un moule. Initialement, je me fournissais en Angleterre. J’utilise la jesmonite, une alternative écologique et de meilleure qualité, qui contient moins de résine. Aujourd’hui, il est devenu plus difficile de se fournir en Angleterre. Le prix a grimpé de 50% en quelques mois ainsi que les frais d’import, avec le Brexit. Désormais, je me fournis auprès de Prodemmia, unique fournisseur français de Jesmonite. Ce qui est incroyable, c’est qu’au départ la jesmonite était produite en France à base d’un plâtre de Saint-Aubin. Puis c’est l’Angleterre qui s’en est emparé avec l’emballement pour le terrazzo. Aujourd’hui, l’entreprise Prodemmia fonctionne aujourd’hui à plein régime et a même reçu des prix pour la qualité de ses produits. Leurs produits ne sont pas toxiques, on ne peut pas dire pour autant 100% éco-friendly, mais ils sont vraiment plus « clean » que chez les autres fournisseurs.
Les porte-savons OSLO & Aquarelle ©studiovalentinekvl
Tu revendiques certaines sources inspirations comme le mouvement Memphis, l’Art and Craft ou encore la période antique. Peux-tu nous dire comment ces mouvements influencent ton travail artistique ?
L’Art & Craft, c’est vraiment lié au fait de créer des objets esthétiques avec une fonction. C’est un style très décoratif mais qui ne perd jamais de vue la dimension utilitaire. Ce mouvement (1860-1910) est à la base du design contemporain et a inspiré, entre autres, le style scandinave et l’Art Nouveau.
Le mouvement Memphis, pour les formes, les couleurs, le côté playful, ludique, ses motifs répétés, rassurants, qui ramènent un peu à l’enfance.
Quant à la période antique, il s’agit de ses codes de formes avec ses arches, ses formes épurées, le renouveau de la terracotta (terre cuite). Il y a une sorte de simplicité et de modestie qu’on retrouve également dans le mouvement wabi-sabi. C’est une sorte de point de départ artistique qui a évolué au fil des siècles, une sorte de genèse artistique. Ma première pièce – le cache-pot – représentait une tête grecque. Ce style est reposant, relaxant et entre presque en contradiction avec le mouvement Memphis, des années 80, l’essor de l’industrialisation associé à une forme d’excitation. Ces sources sont un point de départ car il est difficile de ne pas être influencé par les tendances du moment.
Par exemple, des designers comme Sam Buckley, ses intérieurs très colorés, à la fois chics, cosy, aux couleurs chaudes ou encore l’esthétique très pastel du réalisateur Wes Anderson me parlent beaucoup. Il y a aussi le studio de décoration d’intérieur londonien 2lgstudio qui joue sur les formes géométriques.
Il y a le studio Masque Spacio qui travaille beaucoup avec les restaurants et qui propose des univers colorés incroyables, qui dépassent le réel. C’est pour ça que j’aime les couleurs saturées, ça ouvre une autre dimension. Aux Beaux-Arts on a ce qu’on appelle l’Art total. Les formes et les couleurs viennent complètement s’imprégner de l’énergie…
La dimension chromatique de ton travail apparaît immédiatement. On a presque l’impression que la forme donnée à tes créations accompagne la couleur et non l’inverse. Comment choisis-tu tes couleurs ?
J’adore l’idée de penser des associations de couleurs de plus en plus audacieuses. Ma forme peut être un prétexte à la couleur. Je réfléchis en terme d’antithèse. Avec les porte-savons aquarelles, c’est comme si mon matériau était une peinture qui devenait solide. Je transforme en matériau sculptural en peinture. Comme la couleur et les formes, j’aime les oppositions, j’aime qu’elles communiquent.
Les porte-savons KATHY ©studiovalentinekvl
J’aime aussi explorer les possibilités du matériau. Le porte-savon Terrazzo Kathy a l’origine, c’est un porte-savon que j’ai cassé et j’en ai profité pour expérimenter et remodeler et associer différents morceaux de résine acrylique.
Tu as fait l’école des beaux-art de Bordeaux. Quand et comment as tu décidé de lancer ta propre marque ?
Pendant que j’étais étudiante aux Beaux-Arts, j’assistais l’artiste Benjamin Valenza pour le prix Ricard, le deuxième prix le plus important en Art contemporain après celui de Marcel Duchamp. Il me donnait ses croquis et je sculptais, moulais. Je passais mes week-ends en production. Mais à l’époque je ne m’y retrouvais pas vraiment dans ce milieu de l’art contemporain, du réseautage, le côté très incertain.
Pendant un temps, j’ai eu besoin de vivre quelque chose de très différent, de beaucoup plus sécurisant. J’ai travaillé pour HSBC en Ecosse. Au bout d’un moment, je me suis mise à regarder avec envie mes amis de promo, j’avais certes la stabilité mais je ne faisais rien de mes mains, je ne créais plus… J’ai quitté mon job, j’ai acheté une maison à la campagne et je me suis lancée ! J’étais douée en moulage et voulais faire quelque chose d’usuel qui entre chez les gens. L’été 2019, j’ai réalisé cette première pièce, le cache-pot en forme de tête grecque et en octobre 2019, je créais ma société et très vite les premières commandes ont vu le jour, des premières boutiques sont venues à moi. Vivre de ma passion reste un challenge bien sûr, mais j’envisage d’emmener ce projet loin !
Les miroirs Poppies ©studiovalentinekvl
Les porte-savons ©studiovalentinekvl
Sur quels nouveaux projets travailles-tu en ce moment ?
Aujourd’hui, je travaille à partir de la résine acrylique mais j’ai également envie d’explorer d’autres matériaux, peut-être moins lourds pour des pièces plus grandes, toujours dans l’idée de créer une atmosphère. J’aimerais me tourner vers la création de mobilier sur-mesure.
En ce moment, je travaille sur de nouvelles pièces « des luminaires ». Un anneau plat de 23cm de diamètre pour rendre visible le terrazzo et la couleur, une sorte de donnut qui peut fonctionner aussi bien en plafonnier, qu’en appli murale ou sur une table.
Les Donnuts ©studiovalentinekvl
Retrouvez les créations de Studio Valentine KVL sur kreamondo
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