Virgine Fantino, bijoutière : le noyau de la création
Des bijoux en métal et en noyau de cerise ou de pêche ? La créatrice et bijoutière Virginie Fantino nous ouvre les portes de son univers et nous parle de son choix de faire des matériaux organiques un élément de base de ses créations. Entretien.
Ce qui interpelle immédiatement c’est l’originalité de ton travail ! D’où vient l’idée d’utiliser de la matière organique, donc vieillissante, comme matière brute ?
Chacun a des histoires de coquilles de noix, de noyaux ramassés. Ces matériaux nobles touchent à l’intimité de chacun, évoquent le quotidien. Et ils vieillissent bien, avec le temps, les coquilles de noix se patinent comme du cuir.
Tu crées donc des bijoux à base de…déchets organiques ?
Oui. C’est très poétique ! Un noyau tient la vie en soi, ce n’est pas seulement un élément qu’on recrache.
D’ailleurs, l’idée de la collection « Cerise » m’est venue en mangeant un clafoutis au bord de la mer, j’ai observé un noyau et je l’ai trouvé magnifique.
Comment est né le désir de devenir bijoutière ?
J’étais en Arts appliqués, et un professeur m’a demandé dans quel monde j’avais envie d’évoluer, dans quel lieu, avec quel type de gens… Un métier, ce n’est pas seulement une technique et un savoir-faire, c’est aussi tout un monde. Travailler en atelier m’est apparu comme une évidence !
Depuis toute petite, j’observe, je scrute la nature avec des microscopes. Et pouvoir passer du dessin au volume par un matériau comme le métal est incroyable. J’ai toujours l’impression d’apprendre.
J’ai peut-être fait les choses un peu à l’envers. Sortant d’un BAC Arts appliqués, j’ai eu envie de poursuivre et développer la dimension artistique et créative, je me suis lancée dans le diplôme « Sculpture du métal ». On avait par exemple deux modules, « Papier et métal » et « Le mouvement ». A partir de là, toute notre créativité pouvait s’opérer.
Puis j’ai fait un CAP pour parfaire des techniques en bijouterie, un parcours moins créatif mais plus technique.
Qu’est ce qui te plaît dans le travail en atelier ? Dans quelle ambiance travailles-tu ?
C’est l’artisanat que j’ai choisi avant tout et le métal comme matériau en particulier. J’aime l’ambiance cocon que me procure l’atelier, un lieu où je vais pouvoir retranscrire des émotions ou des idées que j’ai glanées. C’est aussi l’idée d’un lien avec les clients, d’une transmission, d’une recherche constante de nouvelles matières, de nouveaux outils et techniques.
C’est très complet l’artisanat, c’est une émotion, une idée, une technique, un geste, une manière de mettre son corps en mouvement. Il y a presque quelque chose de méditatif dans le geste.
Je travaille au sein d’un collectif. C’est important, cela permet de croiser les techniques et les savoir-faire, d’autant plus que nous sommes dans des métiers très solitaires. Dans mon atelier, je travaille avec un luthier, une scénographe, un herbier et une graphiste. Notre collaboration est plutôt de l’ordre de l’informel. Nous échangeons beaucoup. Par exemple, pour mes nouvelles pièces où je travaille le bois, c’est génial d’avoir un luthier pour me conseiller sur les outils, les gestes. Les noyaux de cerise sont très proches du bois. A l’inverse, j’ai pu l’aider pour l’incrustation de métal dans les manches de guitare.
Comment s’est faite cette rencontre entre le métal et la matière organique ? Et comment fais-tu pour t’approvisionner en matière brute ?
J’utilise des filons différents, mais je passe essentiellement par ma famille et mes amis. J’opte pour les circuits courts 🙂
J’ai une amie qui a des oliviers autour de Nice et qui produit de l’huile d’olive et de la tapenade, elle me fournit en noyau d’olives. Mes parents ont des noyers, les noyaux d’abricot sont fournis par ma belle-mère.
Pour les noyaux de pêches plates, j’ai un marché à côté de chez moi et dès que la saison est bonne, je fais le plein !
Je remarque qu’il y a des coquilles de noix qui fonctionnent plus ou moins. Par exemple, celles achetées en supermarchés sont plus fines, plus fragiles donc plus cassantes. Elles ont certainement dû pousser trop vite et n’offrent pas la robustesse des noix issues des noyers de mes parents par exemple.
Généralement, j’utilise la récolte de l’année passée, il faut que les noyaux aient eu suffisamment le temps de sécher. Du coup, mes récoltes se trouvent dans des bocaux exposés derrière mon établi, ça nourrit mon imaginaire…
Il semble qu’aujourd’hui, tu déclines la dimension organique de ton travail, qui n’est plus forcément la matière brute mais l’objet même de ta création, comme une artère, un cœur…
Oui, en effet. Au départ, je craignais que l’on me suive moins. La collection « Pêche » est plus abstraite, elle peut évoquer le plexus pour certain et chacun peut se l’approprier à sa manière. Mon cheminement créatif évolue, parfois il peut partir de la matière, tout simplement par le martelage.
Tu magnifies en quelque sorte ce qui est caché, en habillant les organes et non l’enveloppe, comme si le bijou devenait l’enveloppe corporelle, et ce alors que le bijou habille un corps… un enchevêtrement inattendu…
L’idée de parer un corps me plaît mais celle de parer une intériorité encore davantage. J’aime rentrer dans l’intime, à quoi les globules peuvent faire penser ? Je révèle ce qui est caché par le corps : le cœur, les artères, les globules, les noyaux etc. Je les magnifie par le métal.
As-tu des sources d’inspiration ?
Plein ! Enfin…tout m’inspire ! Je suis très émotive. Plein de petites choses du quotidien qui peuvent a priori paraître banales, une nouvelle pousse sur une plante, m’émeut profondément et il faut que ça sorte. Je passe beaucoup de temps à observer la nature végétale, humaine. Le matériau brut peut ainsi devenir source d’inspiration.
Je glane un nombre incroyable de choses. J’ai une matériauthèque bien fournie ! J’aime bien quand un objet fait appel à plusieurs sens comme la vue, le toucher, mais aussi le goût.
Je confectionne des bijoux pérennes qui ne passent pas de mode, qui ne sont pas très marqués d’une tendance. Aussi, ma première collection « Noix » remonte à 2012.
Par ailleurs, de nombreux artistes, films peuvent m’influencer dans ma recherche de forme mais c’est sans doute les œuvres de Giuseppe Penone et le livre Pierres de Roger Caillois que je consulte régulièrement qui ont pu jusqu’ici le plus m’influencer dans mon travail artistique.
Découvrez les créations de Virginie Fantino sur son profil kreamondo
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